Au-delà du phénomène de société, la prostitution génère de l’argent. Où va-t-il prioritairement ? Qui en profite le plus ? Des questions auxquelles nous essayons de répondre à travers une série de reportages dans tout le Royaume.
par Younès Alami, Amine Rahmouni, Yassine Zizi, Nadia Hachimi Alaoui, aurore D’haeyer & Fahd Iraqi.
« Les causes de la prostitution sont des causes économiques. Des mesures gouvernementales, sur le plan national et international, dirigées contre la pauvreté, la misère, les salaires insuffisants, le chômage, la faim et des taux démographiques trop élevés doivent leur être opposés ». Ces lignes ont été écrites en 1950. A l’époque, deux médecins français, Jean Mathieu et P. Maury, se sont vu confier une étude sur le quartier « réservé de Bousbir à Casablanca », ville close née de la volonté des autorités en 1914 de regrouper dans des ruelles faciles à surveiller un certain nombre de prostituées « pour des raisons d’hygiène, de contrôle et de sécurité ». Plaidoyer pour la fermeture des quartiers réservés (ce que feront les autorités en 1953), « La prostitution dans le Maroc colonial », seule étude sociologique jusqu’à ce jour sur la question, aborde la prostitution comme un fait économique. Il y a 50 ans, le business du sexe était conditionné uniquement par la misère. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Pas de chiffres disponibles
Aucune étude, aucune statistique officielle, un simple constat livré par la Brigade des Mœurs au bimensuel « Police magazine » : « Le nombre de prostituées est un nombre croissant. C’est un phénomène qui touche aujourd’hui toutes les catégories sociales, et qui n’est plus lié à la misère ». Après un léger recul au lendemain du 16 mai, explique-t-on et ce, pour des raisons purement sécuritaires, le « marché » a repris et est en pleine expansion. Rien d’étonnant, explique l’anthropologue Chakib Guessous : « C’est un marché où il y a une offre et une demande généreuse. La demande est là pour plusieurs raisons et surtout parce que l’environnement social ne permet pas de relations en dehors du mariage.
Quant à la générosité de l’offre, elle s’explique aussi par le fait que la prostitution, souvent occasionnelle, est aussi une manière d’arrondir ses revenus ». En 2004, au Maroc, le business du sexe est florissant. Et les gains débordent largement des poches de certaines « ouvrières du sexe » (une minorité cependant). Dans l’axe Casablanca-Rabat, la prostitution a donné un nouveau souffle au marché du luxe. La société de consommation est en train de façonner le plus vieux métier du monde. Bijoux, appartements de haut standing, trouve facilement acquéreurs. Les prostituées qui ont fait fortune dans les pays du Golfe paient cash et sans sourciller des sommes faramineuses pour blanchir leur argent. Dans les petites villes comme Meknès, 7 clients qui paient plein tarif pour leur chambre correspondent en terme de chiffre d’affaires à un car de touristes formule « tour operator ». La tentation est donc grande de fermer les yeux sur ce fléau qui touche l’ensemble des villes marocaines.
Le rural n’est pas épargné et beaucoup de familles vivent grâce aux revenus de la prostitution qui tend à remplacer l’immigration des années 60 en Europe. Chaque région a ses particularités, ses avantages comparatifs, ses modus operandi mais le constat est général : la prostitution explose au Maroc.
Lejournal-hebdo nº 196. Du 19 au 26 fevrier 2005
samedi 13 septembre 2008
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